Sur le chantier Iter « les entreprises provençales bénéficient d'un avantage décisif »

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Sur le chantier Iter « les entreprises provençales bénéficient d'un avantage décisif »
La plateforme sur laquelle s’édifie l’installation d’ITER occupe 42 hectares sur les quelque 180 qui ont été concédés par la France à l’organisation internationale ITER (photo février 2020).
20 Mai 2020 / ITER

Interview de Bernard Bigot, directeur général d’Iter Organization.

Iter, programme international de construction d’un réacteur expérimental de fusion de l’hydrogène avance à grands pas, y compris pendant la pandémie, avec 75% du génie civil de l’installation et 78% de la fabrication des composants finalisée. Pour Bernard Bigot, directeur général d’Iter Organization, il était vital de poursuivre en dépit du casse-tête logistique engendré par les fermetures de frontières.

Pourquoi avez-vous pris le parti de poursuivre l’avancement du programme Iter en dépit de la pandémie ?

Bernard Bigot : Dès le mois de décembre, nos partenaires chinois ont stoppé leurs activités de production. Nous étions aux premières loges de cette pandémie, conscients des risques d’impact sur la progression du programme. Nous avons veillé à assurer la meilleure continuité possible tout en assurant la poursuite des activités « critiques », que nous ne pouvions interrompre sous peine de mettre en péril l’avenir même du programme. Nous avons anticipé les mesures de distanciation sociales et bénéficié de masques que nous ont généreusement livré nos partenaires de Chine et de Corée. Nos collaborateurs italiens, habitués à passer le week-end auprès de leur famille, souvent en Lombardie, ont accepté de renoncer à ces déplacements. Ces efforts ont payé puisque nous n’avons eu aucun cas de Covid-19, ni au sein de notre personnel, ni parmi celui des entreprises sous-traitantes.

En termes d’effectifs, nous sommes tombés à un point bas, dans les tout premiers jours du confinement, de l’ordre de 650 personnes contre 3 800 en temps normal. La situation a évolué et il y a aujourd’hui à peu près de 1 800 personnes présentes sur le site, dont une centaine dans les bureaux. Les entreprises sous-traitantes nous ont été reconnaissantes de maintenir ce niveau d’activité. Nous comptons 450 sociétés sur le site, françaises à 80%. L’écrasante majorité de nos 1 500 collaborateurs directs télétravaillent. Ce contexte particulièrement difficile a coïncidé avec un calendrier de livraisons particulièrement chargé. D’énormes pièces, pesant plusieurs centaines de tonnes ont pu nous être livrées grâce à la mobilisation de tous. Nous pouvons parler d’un miracle Iter !

Cependant, avec 35 pays associés, la logistique a dû devenir un véritable casse-tête ?

Nos équipes chargées des achats et approvisionnements ont vu la situation évoluer sans cesse en fonction des problématiques des fournisseurs indiens, italiens, espagnols... Je citerai l’exemple des cales nécessaires à l’installation de la base du cryostat, prévue pour la fin de ce mois. Ces cales, fabriquées en Inde, devaient nous parvenir au moment où le pays a fermé ses frontières. Nous avons négocié avec le gouvernement indien et bénéficié d’une dérogation pour acheminer par la route ces 7 tonnes de pièces d’acier, puis les expédier non pas par voie maritime comme initialement prévu, mais par voie aérienne parce que nous en avions besoin pour installer la base du cryostat. Certes l’avion a engendré un surcoût de quelque 20 000 €. Mais imaginez les conséquences si nous avions été dans l’impossibilité de réaliser cette opération. Les conséquences se seraient chiffrées non plus en dizaines de milliers mais en millions d’euros. Et les livraisons vont continuer. Nous attendons au début du mois de juillet une bobine annulaire de 10 m de diamètre et de 400 tonnes, partie de Shanghai le 6 mai. Compte tenu de sa taille nous avons dû élargir certains passages sur les derniers kilomètres de l’itinéraire Iter entre Fos et le site de Saint-Paul-lez-Durance. 

En Provence, de nombreuses entreprises voient Iter comme un moteur de la relance de l’économie. Quelles sont les opportunités en matière d’appels d’offres et de contrats potentiels ?

Les appels d’offres sur la conception des grands composants pour des longues période de 5 à 6 ans sont clos. En revanche, nous allons lancer d’autres appels d’offres (consultables sur notre site web) pour la construction de nouveaux bâtiments, comme celui des « cellules chaudes » ou le poste de commande de l’installation. Les entreprises provençales bénéficient d'un avantage décisif. Elles sont sur place, contrairement aux sociétés étrangères pour lesquelles faire venir du personnel en Provence génère d’importants surcoûts.

Nous venons de recevoir les dernières statistiques sur l’impact économique d’Iter. Elles sont éloquentes. Le total des marchés attribués aux primo-contractants depuis 2007 en Europe dépasse 7 milliards d’euros. Sur cette somme, près de 4,5 milliards, soit 60%, sont allés à des entreprises françaises. Et sur ces 4,5 milliards, plus de 3 milliards ont été attribués à des sociétés de la région Sud-Paca. Et ces chiffres n’incluent pas les marchés passés par ces primo-contractants à leurs propres sous-traitants ! 

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